BB Mode d'emploi 2/3

Le langage parlé « international » de bébé

Bébé est un chanteur polyglotte ! Ou plutôt, les bébés ont un seul et même langage, peu importe le continent sur lequel ils sont nés !

Alors que les adultes se sentent démunis face à ce nouveau langage, les nouveau-nés entre eux ont un même langage, peu importe leur pays d’origine. Nous devons ces observations à une mezzo-soprano, Priscilla Dunstan.

 

LES SONS

Australienne d’origine, cette chanteuse lyrique à l’oreille absolue, dotée d’une mémoire photographique des sons,  a utilisé ses dons pour tenter de reconnaitre les différents pleurs de son bébé (souffrant de coliques) en espérant pouvoir en faire une sorte de dictionnaire. Elle cherchait tant bien que mal de trouver un sens aux pleurs de son enfant, comme la plupart des nouveaux parents. En 1998, alors qu’elle avait mis à jour quelques pistes de décodage, elle a décidé de poursuivre ses recherches mais à plus grande échelle. Cela lui a permis d’écrire un livre dans lequel elle partage le fruit de ses recherches. Elle différencie les sons émis avant 4 mois et après, ceux-ci ne correspondant pas forcément à des besoins mais plutôt à la découverte de la gamme de sons propre à chacun.

Pour elle, les 4 premiers mois de vie, les cris émis par le bébé ne dépendent pas uniquement de leur besoin mais également de la posture qu’ils prennent à ce moment. Celle-ci va influencer la position du diaphragme et modifiera le son émis, ce dernier ayant une signification bien particulière. Le vocabulaire d’un bébé serait composé, dès la naissance, d’au moins 10 sons, chacun correspondant à un besoin. Afin de pouvoir les reconnaitre, Pricilla Dunstan recommande de s’intéresser aux premiers cris émis car ceux-ci deviennent difficilement interprétables une fois que bébé est énervé (les sons sont alors déformés).

Les 5 sons de base, universels et les plus simples à interpréter sont ceux de la faim, la fatigue, les gaz, le besoin de roter et l'inconfort :

Dès la naissance :

Ñéh/Ña : j’ai faim, j’ai envie de téter. La langue de bb est contre son palais (sauf en cas de frein de langue court où la langue est à peine relevée) et est généré par un réflexe de succion. Parallèlement, la mère allaitante ressent une montée de lait à l’émission de ce son.

Eh/ Ei : j’ai besoin de faire un rot. Bébé essaie d’expulser par réflexe l’air ingurgité dans son estomac et qui cherche à remonter dans l’œsophage. Souvent, ce son sera accompagné de pleurs lorsque vous coucherez bébé et ils s’arrêteront dès qu’il sera relevé. Cette sensation est douloureuse (imaginez boire un soda d’une traite…sans roter juste après).

Aoh/aouh/Owh : j’ai sommeil. Ce son est émis par bébé avec ses lèvres en forme de « O ». Son de fatigue, il vient souvent après manifestation du langage corporel : bâillement, yeux ou oreilles frottés.

 

Dès la 6e semaine :

Ieo/ieu/eair/èrh : Accompagné de jambes tendues (souvent), repliées (parfois) exprime une douleur abdominale (estomac, intestin, coliques, gaz). Bébé « serre » le ventre et tente de pousser sur l’expir pour se débarrasser de la douleur. Le sons émis est alors déformé et s’exprime en un gémissement.

Yé/Yei/heh : je me sens mal à l’aise, Je suis inconfortable, j’ai besoin de repères. Il se peut que les sensations ressenties par bébé soient désagréables pour lui, ce qui lui fait bouger bras et jambes (désorganisé)

 

Dès la 12e semaine :

Guèn : douleurs dûes à la poussée dentaire

Nah : j’ai soif

Ouin : je n’en peux plus

 

Pour pouvoir plus facilement les identifier : https://youtu.be/Yf8d-t676z4

 

Dès 4 mois, l’enfant tentera de découvrir son répertoire personnel de sons mais cherchera également à communiquer non plus pour des besoins physiques mais surtout pour l’échange avec l’autre. Pricilla Dunstan affirme que reconnaitre rapidement les sons de bébé leur éviterait de pleurer.

LES PLEURS

Les pleurs désarment souvent les nouveaux parents. Face à leur propre impuissance, ils vont néanmoins chercher à y répondre au mieux. En tendant l’oreille, tout comme pour les sons, il vous sera bientôt aisé de reconnaitre le message que bébé essaie de vous transmettre :

 

Pleurs de réclamation : dès la naissance, bébé ne voit pas net à plus de 40cm. Imaginez conduire dans un brouillard épais…c’est angoissant. Pour bébé resté seul pendant un moment dans son relax/son parc, c’est la même sensation qui sera ressentie (il n’arrive pas encore à interpréter le « je suis là, je vais arriver » de maman qui est dans la pièce d’à côté). Il commencera par émettre un cri de 5-6 secondes, s’arrêtera pendant une vingtaine de seconde, espérant une réaction et d’être pris à bras. S’il n’obtient pas de réponse, les pleurs se répéteront jusqu’à devenir continus. Bébé est alors désemparé et aura besoin d’un long moment dans les bras avant d’être réconforté. Son cerveau n’est pas encore assez mature que pour intégrer l’attente. Il ne comprend réellement pas pourquoi sa demande, son besoin de proximité, n’est pas assouvi dans l’instant. C’est le mode on-off (je vais très bien – je suis seul au monde, vulnérable).

Pleurs de faim : Tout comme les pleurs de réclamation, ils seront brefs dans un premier temps, accompagnés de manifestations corporelles et bruits de succion. Non entendus, ces pleurs monteront en puissance pour devenir hystériques avec un corps complètement désorganisé (bras/jambes qui battent l’air, tête qui va de gauche à droite). Cette sensation de faim et celle de la douleur sont les pires ressenties pas bébé.

Pleurs de douleur : Ces pleurs sont forts, soudains (en cas de coliques), monotones, incessants. Si la douleur augmente, le cri devient hystérique avec un corps arqué/tendu. Les pleurs monotones et « éteints » voire silencieux indiquent que la douleur est « sourde » et installée depuis un moment. Le bébé n’aura plus la force de faire des sons et économisera son énergie pour tenter de passer outre la douleur. Il se renfermera sur lui, mains serrées, sourcils froncés.

Pleurs physiologiques : bébé n’est pas habitué à l’étirement de son anus lors des premières émissions de selles ou de la sensation mouillée de la couche après émission des urines. Cela peut être inconfortable voire douloureux. Les cris émis ressembleront à des gémissements. Lors de l’effort de poussée, même sans selles ni gaz, bébé passe du rose au rouge et a un air très concentré, yeux et poings fermés.

Pleurs de sommeil : il arrive que les bébés soient tellement fatigués par les stimuli rencontrés qu’ils n’arrivent pas à s’endormir. Ils auront besoin de se décharger avant de pouvoir se laisser aller au sommeil. Typique des fins de journées, ces pleurs sont usants car monotones, accompagnés de bâillements, frottage des yeux et oreilles, sans pour autant la détente du corps. Bébé se calmera quelques minutes dans les bras, puis demandera à téter quelques minutes, puis voudra être bercé, promené, puis re-tétée, puis re-promenade etc… pouvant s’étendre sur 2 voire 3h. Il s’agit d’un réel besoin de rassurance et de décharge. À moins d’être seul(e) et de ne pouvoir passer la main, ne laissez pas bébé vivre ce moment seul. Il s’endormira…mais angoissé de ne pas avoir eu de réponse ou de contenant à ses pleurs. Le portage en écharpe (moins tendu que des bras fatigué) peut être une bonne solution.

Pleurs d’inconfort : Ces pleurs soudains, hachés, colériques, faisant penser à des caprices accompagnent un bébé « désorganisé », agité, cambré, … qui cherche simplement à faire comprendre qu’il est inconfortable de par une couche pleine, des vêtements mouillés, un trop chaud/trop froid, un ennui ressenti, une frustration (dûe à une non réponse immédiate), un besoin de « changement de vue »,… Ce sont les pleurs les plus difficiles à « accepter » car ils passent pour de simples sautes d’humeur.

 

Les sons, les pleurs, associés au langage corporel font du langage de bébé un langage extrêmement riche et complet pour qui essaie de l’apprendre. Décoder le langage de son bébé, comprendre ses besoins, permet de le soulager plus rapidement mais aussi de prendre, petit à petit, confiance en soi. Vous êtes le meilleur parent pour votre bébé ! Il vous a choisi…

  

Anne MignonSage-femme

(partie 1 : le plus beau mammifère du monde

partie 3 : le langage corporel de bébé)

 

Pour aller plus loin : 

« Il pleure, que dit-il ? - Décoder enfin le langage caché des bébé » - Priscilla Dunstan – Ed. JCLattès – 2016
https://www.laligue.be/leligueur/articles/des-pleurs-a-toutes-heures publié le 03/04/19

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